vendredi 28 janvier 2011

Le site Camer.be suspendu


Son hébergeur belge lui reproche d'avoir publié des messages homophobes et de haine envers Me Alice Nkom.

Depuis le 26 janvier à 16h, ilorsqu'on entre l'adresse www.camer.be dans un moteur de recherche, une page s'affiche avec ce message : « This account has been suspended ». En effet, le site Camer.be a été suspendu par son hébergeur, la société Luxpixel basée en Belgique. Cette fermeture survient 24h après un avertissement adressé à Hugues Bertin Seumo, responsable du site. Mercredi, quelques avant la suspension, Maurice Straccialano, le responsable de Luxpixel.com, lui a adressé une nouvelle correspondance dans laquelle il évoque les raisons de la fermeture du site: « Message sur votre site internet de menace de mort et de haine envers des personnes dont l'avocate camerounaise Alice Nkom ; message de haine, homophobie et racisme ».

Pour comprendre l'affaire, il faut remonter au 17 janvier, lorsque Camer.be reprend une interview de Me Alice Nkom publiée par le quotidien Le Jour. L'avocate s'exprime après que le ministre des Relations extérieures ait signifié sa désapprobation à l'Union européenne qui a accordé une subvention de 200 millions de Fcfa au projet d'assistance et d'encadrement des minorités homosexuelles. Sur Camer.be, cette interview a été suivie d'un communiqué du porte-parole du Rassemblement de la jeunesse camerounaise. Dans ce message musclé, Sismondi Barlev Bidjoka prie les autorités camerounaises d'intercepter ce financement « illégal qui constitue une ingérence gravissime dans la souveraineté du Cameroun ». Parlant de l'Union européenne, il affirme que « l'on n'est pas chez eux au Cameroun».

Immédiatement après ces publications, les réactions, souvent violentes, parfois insultantes, ont fusé. Sur le site accessible par le cache jusqu'à hier soir, on peut y lire : « il faut brûler cette femme et tous les homos » ; « Satan veut prendre pied au Cameroun à travers l'homosexualité »... Si Hugues Seumo soutient que les messages incriminés ont été effacés, il s'étonne de ce que Luxpixel n'ait pas fermé aussi le site camer-sport.be. Faisant partie du même groupe, Camer group Belgium, reste actif.

Créé en 2005 à Bruxelles par le group Camer Belgium, Camer.be, 30 000 visites quotidiennes, a pour objectif d'informer la diaspora camerounaise sur l'actualité au Cameroun. Aujourd'hui, les responsables du site travaillent à le remettre en ligne avec un autre hébergeur.

Stéphanie Dongmo



samedi 22 janvier 2011

Documentaire : L'abject de la colonisation


« Afrique 50 » de René Vautier, un brûlot contre la politique coloniale française interdit en France de 1950 à 1994, a été projeté le 19 janvier au Centre culturel francais de Yaoundé.

En fait de documentaire, c'est à un long reportage sur les conditions de vie des « indigènes » africains que les spectateurs ont été soumis mercredi soir au Centre culturel français de Yaoundé. Le film est un court métrage (17 mn) tourné en noir et blanc. Le fond est sonore. Les instruments de musique traditionnels africains arrivent fort à propos pour accompagner les images réelles, poignantes.

Ici, on voit des galériens manœuvrer à bras les vannes de l'écluse de barrage. Là, ce sont des hommes ahanant sous le soleil qui chargent dans un bateau des sacs de cacao, sans aucun espoir de goûter jamais au chocolat qui en sortira. Un peu plus loin, des enfants gambadent dans le fleuve Niger. Ailleurs, un village entier a été dévasté. Cette réalité filmée parle d'elle-même. Mais le texte, dit par René Vautier, après que l'acteur pressenti pour le faire se fut désisté, renseigne davantage. Et c'est d'une voix tremblante d'indignation qu'il raconte les exactions des soldats coloniaux sur des populations impuissantes, et commente les tâches humiliantes et inhumaines auxquelles elles sont soumises, pour 50FF la journée. Si les enfants semblent insouciants, Vautier rétorque : « Que feraient-ils d'autre? » Car, seulement 4% d'enfants africains sont scolarisés, juste assez pour fournir des greffiers à l'administration coloniale et des comptables aux compagnies commerciales.

Pour défendre une cause qu'il a spontanément embrassée, le réalisateur, aujourd'hui âgé de 83 ans, montre le visage hideux de la colonisation en Afrique, celui qu'on n'enseignerait jamais dans des écoles de France. Mais les Africains ne veulent plus se laisser faire. Partout sur le continent, des mouvements de libération naissent. Violemment réprimés par les colons, ils poursuivent inexorablement leurs revendications. Le film s'achève sur cet espoir de libération, prémices du vent des indépendances qui soufflera quelques années plus tard.


46 ans de censure

En 1949, La Ligue de l'enseignement commande à René Vautier, jeune homme de 21 ans, qui vient de terminer ses études de réalisation à l'Institut des hautes études cinématographiques, un film sur la vie des villageois d'Afrique occidentale française destiné à être montré aux élèves de France. Pendant plusieurs mois, il parcourt la Haute Volta (Burkina Faso), le Mali, la Côte d'Ivoire et le Ghana. Révolté par les conditions de travail inhumaines et humiliantes des Noirs, René Vautier en fait le premier film anticolonialiste.

Face à l'hostilité des autorités de l'époque, il se fait aider par des étudiants africains se rendant en France pour ramener les 50 bobines dont il dispose. A Paris, Vautier les donne à la Ligue de l'enseignement. Mais la police les saisis. Le réalisateur arrive quand même à subtiliser 17 bobines, qu'il va développer et sonoriser plus tard. A la fin de l'année 1951, il organise la première diffusion du film à Quimper, en France, avec l'appui des mouvements de jeunes. « Afrique 50 » est aussitôt interdit en France. Malgré cela, le film continue à être diffusé. Vautier est condamné à un an de prison et détenu quelques mois.

Dans une interview diffusé juste après la projection du film, René Vautier explique qu’en 1994, « Afrique 50 » lui a été remis par le ministère des Affaires étrangères. Il a déterminé la suite de la carrière de Vautier, qui compte à son actif près de 25 documentaires engagés, tant sur le racisme en France que sur la guerre d'Algérie. En 1974, René Vautier a reçu un hommage spécial du jury du Film antiraciste pour l'ensemble de son œuvre.

Stéphanie Dongmo


Fiche technique

Titre : Afrique 50

Sortie : 1950, France

Durée : 17 mm

Genre : documentaire

Réalisation : René Vautier

Production : Ligue française de l'enseignement, René Vautier

Distribution : Cinémathèque de Bretagne


mercredi 19 janvier 2011

Aimé Césaire bientôt au Panthéon


Le poète martiniquais recevra un hommage de la France en avril prochain.

Le 7 janvier dernier, le président français, Nicolas Sarkozy, en visite à Fort-de-France, a annoncé que la France va honorer la mémoire d'Aimé Césaire au mois d'avril 2011. A cet effet, un hommage national lui sera rendu et une plaque portant le nom de l'écrivain mort en 2008 à l'âge de 94 ans sera scellée au Panthéon. Cependant, le corps de l'auteur de « Cahier d'un retour au pays natal » ne sera pas déplacé à Paris, selon une exigence de sa famille. Aussi, cette entrée sera-t-elle concrétisée par une plaque apposée à l'entrée du monument destiné à honorer des personnages et à rappeler des évènements ayant marqués l'histoire de la France.

De son vivant, les relations entre Aimé Césaire, député-maire de Fort-de-France en Martinique, et Nicolas Sarkozy n'ont pas toujours été des plus amicales. En rappel, en 2005, Césaire avait refusé de recevoir Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur sous Jacques Chirac, pour protester contre l'adoption d'une loi prescrivant d'enseigner les aspects « positifs » de la colonisation dans les écoles. Cette loi qui a été abrogée en 2006 allait, en effet, à contre-courant des valeurs qu'à défendues Césaire dans « Discours sur le colonialisme ». Dans ce livre paru en 1950, il décrie les méfaits de la colonisation : « On me parle de progrès, de maladies guéries, de niveaux de vie élevés (...) Moi, je parle de sociétés vidées d'elles-mêmes, de cultures piétinées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties... ». En dépit de l'immensité de son œuvre, le chantre de la négritude n'a jamais été admis à l'Académie française.

mardi 18 janvier 2011

Procès : Calixthe Beyala bat Drucker



L'écrivaine camerounaise a obtenu gain de cause en appel contre l'animateur français pour un livre entretien commandé et jamais publié.

La cour d'appel de Paris a condamné l'animateur français, Michel Drucker, à verser 40 000 euros (environ 26 millions Fcfa) à l'écrivaine camerounaise Calixthe Beyala, pour sa collaboration à un livre qui n'a jamais vu le jour. Le verdict a été rendu le 12 janvier, infirmant ainsi un jugement de première instance.

En effet, Calixthe Beyala avait décrypté partiellement un livre entretien d'une soixantaine de feuillets que Michel Drucker devait réaliser en 2005, avec le philosophe Régis Debray, aux éditions Albin Michel en France. L'ouvrage n'a jamais vu le jour. Calixthe Beyala sera indemnisé pour son temps perdu.

lundi 17 janvier 2011

Mondial 2010: La déculottée des Lions racontée dans un livre



Le journaliste Jean-Bruno Tagne vient de publier un essai intitulé
« Programmés pour échouer » aux éditions du Schabel à Yaoundé.




« Programmés pour échouer. Enquête sur la débâcle des Lions indomptables en Afrique du Sud », c'est le titre de ce livre qui promet de faire des vagues dans les milieux du football au Cameroun. Écrit par le journaliste Jean-Bruno Tagne, il vient de paraître aux éditions du Schabel à Yaoundé que dirige un autre journaliste, Haman Mana.

L'ouvrage préfacé par Gérard Dreyfus fait, en quelque sorte, le bilan de la participation de l'équipe nationale de football du Cameroun en Afrique du Sud, où elle a brillé par son échec. « Les Lions indomptables du Cameroun ont été la première équipe éliminée de la compétition. Trois matchs, trois défaites et une bien piètre figure », écrit l'auteur qui ne met pas de gangs pour dire des choses telles qu'elles lui sont apparues au cours de sa longue enquête.

Les rapports entre Samuel Eto'o, la capitaine des Lions indomptables, et les journalistes sportifs, est mis à nu dans celivre riche en révélations. Fin juillet 2009. Samuel Eto'o est en séjour à Yaoundé et invite huit journalistes dans sa chambre de l'hôtel Hilton. « Dans cette vaste chambre, ils ont le regard rivé sur Samuel Eto'o fils, l'air ému (…) Un million de francs CFA. Samuel Eto’o tient le paquet qu’il balance d’une main à l’autre comme pour s’amuser. Les journalistes, eux, ont les yeux rivés sur l’argent. Comme le chien de Engamba dans « Le vieux nègre et la médaille», ils ont la tête qui bouge dans le sens où va le paquet d’argent dans les mains d’Eto’o. Gauche-droite-droite-gauche ». Page 91.

Jean-Bruno Tagne a voulu profiter de sa participation à la Coupe du Monde pour montrer que le football camerounais est géré avec amateurisme et incompétence. Pour lui, le talent des joueurs seul ne peut suffire pour remporter des matchs, il faut qu'il soit accompagné par une vision claire des objectifs à atteindre et par une bonne organisation. « L'échec n'était que le couronnement d'un certain nombre d'évènements qui se sont succèdes, d'où le titre « Programmés pour échouer », explique celui qui est à son premier ouvrage.

Âgé de 30 ans, Jean-Bruno Tagne est le chef du desk Sports au quotidien Le Jour à Yaoundé.

Stéphanie Dongmo


Jean-Bruno Tagne
Programmés pour échouer
Les Éditions du Schabel, Yaoundé, 2010
202 pages
Prix : 10 000Fcfa

Arice Siapi : «On a dû puiser de l'argent dans nos poches»


La promotrice du Festival international du film de Ngaoundéré fait le bilan de la 2ème édition qui s'est tenu du 8 au 12 janvier 2011.


Quel bilan faites-vous de la 2ème édition du Festival international du film mixte ?
Cette édition a été positive. Contrairement à la première où on avait réalisé à 60 % le programme, on est à 95 %. Tous les ateliers de sérigraphie, audiovisuel et musique ont été réalisés ; et tous les films qu’on a annoncé ont été projetés, en dehors d’un film, « Dans l’ombre d’une autre » de Francine Kemegni, parce qu’on a eu des problèmes avec le support.
Il y a eu des problèmes similaires avec d’autres supports pendant les projections…
En général, on demande aux gens d’envoyer au moins deux Dvd, mais ils n’en envoient qu’un et ça se gratte. Mais, à la dernière minute, nous avons tout numériser dans des ordinateurs et tout s’est finalement bien passé.
A l’université de Ngaoundéré, il n’y a pas eu de projection comme le prévoyait le programme. Que s’est-il passé ?
Tous les lieux n’ont pas été investis, c’est pourquoi j’ai parlé d’un taux de réalisation de 95 %. A la gare, nous avons demandé l’espace pour des projections itinérantes, mais nous n’avons pas eu l’accord. On n’a pas non plus eu l’accord de partenariat avec l’université pour projeter des films à l’intérieur du campus ou même à la guérite.
Les objectifs de ce festival ont-ils été atteints?
Comme tout festival, ses objectifs sont les échanges et les rencontres. Et là, il y avait un partenariat qui s’est noué entre le festival et l’IATA (Institut d’enseignement des arts, techniques, sciences et artisanats de Namur en Belgique, ndlr). Les échanges se sont bien déroulés entre les jeunes Camerounais et les jeunes Belges. On a aussi eu une vue panoramique de l’action de l’Etat pour l’essor du cinéma au Cameroun, en Allemagne et en Belgique. Nous espérons que chacun s’est enrichi de l’expérience de l’autre.
Quelles sont les prévisions pour la prochaine édition ?
Un peu plus de formation. Je vais effectuer quelques voyages à l’étranger pour asseoir la résolution qui a été prise ici de créer un pôle d’échanges avec Namur, à travers lequel des Camerounais iront se former en sérigraphie et, pourquoi pas, participer à des festivals là-bas. Je suis convaincue que la mobilité artistique est capitale pour que les choses avancent, il faut quel les artistes puissent bouger. Le prochain festival se tiendra en 2012 mais pas en début d’année, à cause de difficultés financières. Ce sont des contributions étatiques ou privées qui financent un festival. Nous n’avons pas eu cette chance-là, et il faudrait que les choses changent.
A combien s’élevait le budget de départ et quelle somme avez-vous pu réunir ?
On n’a pas obtenu grand-chose, 150 000Fcfa sur un budget de près de 25 millions de Fcfa. On a du amenuiser les choses et on a dû entièrement puiser dans nos poches.
Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

samedi 15 janvier 2011

Débat : Le soutien de l’Etat au cinéma

C’est le thème d’un échange organisé le 11 janvier dernier à Ngaoundéré, dans le cadre du Festival international du film mixte.


L’intervention de l’Etat dans l’essor du cinéma, c’est le thème d’un débat très animé qui s’est tenu mardi, 11 janvier dernier à l’hôtel de ville de Ngaoundéré, dans le cadre du Festival international du film mixte (8-12 janvier). Autour de la table, quatre panélistes : Cyrille Masso, réalisateur, producteur et parrain du festival, Serge Pascal Oumarou, délégué régional de la Culture pour l’Adamaoua, Emmanuel Tentchou, chef du service de la réglementation et du contrôle à la direction de la cinématographie au ministère de la Culture et Klaus Becker,
directeur du Film büro de Brême en Allemagne, venu pour partager son expérience.

D’entrée de jeu, Emmanuel Tentchou a parlé de ce que fait l’Etat pour soutenir la production cinématographique camerounaise qu’il a qualifié d’ « insignifiante » : la participation à des festivals nationaux et internationaux ; l’appui à la création des œuvres sélectionnées par la Commission des arts et lettres pour bénéficier du compte d’affectation spécial au soutien de la politique culturelle ; l’implication de l’Etat dans la protection des œuvres par les
droits d’auteurs et droits voisins au droit d’auteur ; l’adoption de la loi sur le dépôt légal ; la formation à travers la création des filières arts dans les universités… Toutes actions menées « dans la limite des possibilités budgétaires », a-t-il précisé cependant. Ainsi, en 2010, une quinzaine de projets de film ont été éligibles au financement. Seulement, les porteurs des œuvres éligibles ne reçoivent pas toujours cet argent au moment où ils en ont le plus besoin.
Emmanuel Tentchou a expliqué que c’est le ministre des Finances qui est le
gestionnaire des finances publiques.

Cyrille Masso, lui, a déploré le flou qui existe dans les critères de sélection
des œuvres et l’absence d’un mécanisme réel et direct de soutien à la production
des jeunes dont les œuvres coûtent en général moins chères. Le délégué régional a rétorqué que les jeunes doivent se faire appuyer par les projets du ministère de la Jeunesse, notamment le Pajer-U et le Piaasi.

Le débat a été fructueux en recommandations. Pour Cyrille Masso, l’organisation des professionnels en groupe de pression est nécessaire à l’essor du cinéma. Emmanuel Tentchou ajoute à cette condition la sensibilisation du public à la culture cinématographique. Pour Serge Pascal Oumarou, ces assises doivent susciter les états généraux du cinéma. Il s’est dit prêt à soutenir le lobbying des professionnels pour que les mairies inscrivent les activités culturelles
dans leurs programmes. Il a aussi appelé à une synergie des acteurs et des administrateurs de la culture pour un cinéma prospère.

Stéphanie Dongmo

jeudi 13 janvier 2011

Cinéma: Pour en finir avec la justice populaire


C'est l'appel de "Sentence criminelle", un film de Prince Dubois Onana qui a été projeté le 8 janvier à Ngaoundéré, à l’ouverture du Festival international du film mixte.


Le film de 86 minutes commence comme un documentaire. Pour planter le décor, Prince Dubois Onana, le réalisateur, raconte la justice parallèle que les populations camerounaises ont adoptée pour faire face au banditisme grandissant, tout en remettant en cause sa finalité. La fiction peut alors commencer, portée honorablement par Alain Bomo Bomo dans le rôle de Snake et Toni Bath qui joue Sam.

«Sentence criminelle», projeté samedi 8 janvier, en ouvertrure du festival international du film mixte de Ngaoundéré, raconte l'histoire d’une jeune fille, Sam, fiancée à Isamël, un footballeur en devenir. Elle rejette les avances de Snake, le chef d’un gang qui sème la terreur dans le quartier. Furieux, celui-ci monte un coup pour faire accuser Ismaël de vol et le faire lyncher par les populations. Sam décide de se venger et assassine Snake et sa bande dans un scénario digne d’un film hollywoodien. Mais voilà. La scène qui satisfait le public révolté par l’assassinat du footballeur, a seulement été rêvée par Sam. La police finit par mettre la main sur les malfrats. Mais Snake sera libéré à la demande de son oncle ministre.

Le film est riche en rebondissements. Certaines scènes sont poignantes, comme la mise à mort d’Ismaël. Après l’avoir battu à mort, les populations déchaînées ont empilé sur lui des pneus qu’elles ont arrosé d’essence avant d’y mettre le feu. Le maquillage a réussi à donner une image de peau brûlée, avec des morceaux entiers de chair rouge qui tombent en lambeaux. Horrible. Etreignant. Angoissant. La musique de Corry Denguemo, un long cri de lamentation, ajoute à ces sentiments.

Le film, tourné en français et sous-titré en anglais, est saisissant de réalisme, et ce réalisme se joue sur des détails. Comme le portrait encadré de Paul Biya, le président de la République, placé bien en vue dans le bureau du commissaire. Comme la torture à laquelle les policiers ont recours pour extorquer des aveux à de criminels.

«Sentence criminelle» aurait pu s’achever sur la vengeance de Sam. Mais le réalisateur a voulu déjouer le spectateur pour ajouter au suspens. Conséquence, le film a perdu en clarté, car le message principal se retouve dilué dans une floppée d’autres thèmes comme le trafic d’influence. Au final, on retient que la population, qui croyait se protéger du vol, de victime, est devenue bourreau. Le film a été tourné entre 2005 et 2006, au moment où le gouvernement décidait de lutter contre la vindicte populaire, avec des résultats mitigés.
«Sentence criminelle» vient de sortir en Dvd et est vendu au prix de 5000Fcfa.

Stéphanie Dongmo

Fiche technique

Titre : Sentence criminelle
Avec : Toni Bath, Alain Bomo Bomo, Etienne Eben…
Réalisateur : Prince Dubois Onana
Sortie : 2007
Genre : drame
Type : fiction
Durée : 86 min

jeudi 6 janvier 2011

Livre : Voici les nouveaux Français


A travers le récit de quatre destins amoureux de femmes, Léonora Miano décrit la France multiraciale d'aujourd'hui.

Dans cette vie, y a-t-il quelque chose de plus important que l'amour ? Non, serait la réponse de Léonora Miano. Parce qu' « on vit plus d'amour que d'allocation familiale », l'écrivaine camerounaise en a fait le thème central de son dernier livre, « Blues pour Élise ». Ce roman éclaté raconte l'histoire de quatre femmes qui ont fait de la recherche de l'amour l'ambition de leur vie. Elles ont la trentaine, un emploi, un logement, et pas de problèmes de papiers.

Après deux années de « jachère », Akasha est plus que jamais décidée à trouver l'amour. Elle ne veut surtout pas finir comme sa mère, canne à sucre que l'on a mâchée, pressée et recrachée. Mais quand vient l'heure de se lancer dans le speed dating [rencontres amoureuses rapides et en série, ndlr], elle reste à la rive de la vie où elle a échoué. Depuis qu'Amahoro, l'extravagante, a fait à son amant une caresse spéciale en un point éminemment intime, il a pris ses distances, persuadé qu'elle lui a caché des pans obscurs de son existence. Malaïka est de celles dont le corps potelé raconte les batailles perdues pour « entrer dans la norme ». A la veille de son mariage, elle est assaillie de doutes. Et si Kwame ne l'épousait que pour avoir les papiers ? Étrangère de sa propre famille, Shale est amoureuse d'un homme qui l'a convaincu de retourner avec lui sur le continent qui est le sien.

Léonora Miano raconte deux générations de femmes increvables et corvéables qui luttent pour sortir des clichés dans lesquels les hommes les ont enfermé pour mieux se la couler douce. A côté des quatre, il y a Elise, Fanny, Marianne, Bijou, Coco... Une flopée de personnages dont les histories s'entremêlent et se heurtent parfois, exigeant du lecteur un surcroit d'attention.

Léonora Miano a voulu faire un roman léger, tout en restant sur le récit des blessures intimes des Afropéens, un terme qui lui est cher et qu'elle a déjà développé dans « Tels des astres éteints ». Elle parle d'amour. Mais l'amour est tributaire de la société dans laquelle on vit. Aussi retrouve-t-on dans « Blues pour Elise » des thèmes engagés comme la quête identitaire, le poids des traditions, les haines ancestrales entre Caribéens et Subsahériens. Miano raconte, de l'intérieur, les déchirures intérieures, les écartèlements de femmes prises entre deux mondes, leurs difficiles « remembrements » pour que le passé devienne enfin l'Histoire, et non plus le présent perpétuel.

Pour parler d'une France multiraciale, de nouveaux Français, elle a choisi d'écrire un roman hybride où on retrouve créolismes, anglicismes, camfranglais et interludes musicaux. Ce livre dans lequel l'on swingue tour à tour avec Millie Jackson, Sandra Nkaké, Valery Boston et Casey est bon à lire avec un accompagnement musical, pour en saisir tout le sens et se laisser pénétrer par l'univers de l'auteure.

Stéphanie Dongmo


Léonora Miano

Blues pour Élise (roman)

Ed. Plon, Paris, septembre 2010

196 pages

mercredi 5 janvier 2011

Cinéma : Un festival pour le film mixte


La 2ème édition du Festival international du film mixte (Fifmi) se tient à Ngaoundéré du 8 au 12 janvier 2011 sur le thème « cinéma et musique ». Au programme : ateliers, projections des films de fiction et de documentaires, et tables rondes. Organisé par l'association Action directe que préside Arice Siapi, ce festival a pour but de réunir producteurs, comédiens, techniciens et distributeurs de films.

D'après ses organisateurs, le Fifmi se veut une plate-forme de réflexion pour les professionnels du cinéma sur les réalités et l'avenir de leur profession dans le Grand Nord, en particulier, et au Cameroun, en général. Pour cette édition, il s'agira de réfléchir sur l'apport de la musique dans le cinéma. Le but étant ici de permettre aux musiciens de comprendre les perspectives économiques et artistiques que le cinéma peut leur ouvrir.