mercredi 24 février 2016

Chronique: mariées et pourtant célibataires!


Mariées-célibataires. Connaissez-vous ce nouveau statut matrimonial ? Non ? Eh bien ce sont des personnes qui, bien que mariées traditionnellement, légalement et même religieusement, vivent seules leur vie de couple. Et comme souvent, les femmes sont les premières victimes de ce phénomène social.

Ces mariées-là vivent en célibataire. Leurs maris sont loin, très souvent à l’étranger. Certaines, faute de recevoir des nouvelles, ne savent pas s’ils sont morts, disparus ou encore vivants. Les plus chanceuses reçoivent régulièrement des nouvelles et aussi de l’argent pour faire tourner le foyer. Ces hommes sont revenus au pays, ont épousé des femmes qu’ils ont laissées derrière eux en partant, vers des destinations que les épouses sont rarement invitées à visiter.

Certains reviennent une fois tous les deux ans pour une petite visite. Le temps de voir le petit dernier né après leur départ et de laisser une preuve tangible de leur passage, qui naîtra neuf mois plus tard. Pour d’autres, le retour s’opère une fois tous les cinq-dix ans. D’autres encore finissent par se marier à nouveau à l’étranger et forment ainsi des familles dont ils deviennent plus proches, distance oblige.

Pour identifier une femme mariée-célibataire, ce n’est pas difficile. Elles sont de toutes les fêtes, ne refusent jamais une sortie, voyagent quand elles veulent et passent autant de temps qu’elles le souhaitent à l’extérieur. On peut aussi distinguer une mariée-célibataire par son visage marqué par l’amertume, l’angoisse et les frustrations liées à la solitude, les soucis familiaux qu’elle doit porter seule, les enfants auprès desquels elle doit jouer le rôle du père et de la mère. Sous le vernis du sourire, on peut remarquer la fragilité, la fêlure, l’intime douleur.

Car la vie d’une mariée-célibataire se résume à une longue attente. Attendre le mari qui arrivera cette année, peut-être l’année prochaine ou l’année d’après, attendre qu’il veuille bien se souvenir de sa femme et de ses enfants, attendre le jour où il aura les moyens ou simplement la volonté d’engager une procédure de regroupement familial, attendre le retour définitif du mari qui, d’année en année, jure ses grands dieux qu’il rentrera définitivement s’installer au pays.

Quelques-uns finissent par le faire. Pour former, avec des femmes restées trop longtemps seules, des couples qui ne se connaissent plus, ne s’aiment plus, se sont éloignées sentimentalement et ne s’accordent plus sexuellement. Du jour au lendemain, la femme doit faire face aux contraintes du mariage, aux exigences d’un mari qui ne comprend pas la trop grande indépendance de son épouse. Le couple a alors trois choix : réapprendre à s’aimer, se supporter ou se séparer.

Certaines femmes, las d’attendre, vont oublier leur solitude dans les bras des hommes plus disponibles. Plus d’une s’est fait attraper la main dans le sac avec un ventre qui s’arrondit alors que le mari est absent depuis des années. Un flagrant délit d’adultère dont tout le quartier peut témoigner.


Mariée ou célibataire, à la fin, la femme concernée a du mal à savoir, étant en permanence en équilibre entre les deux. Personne n’aime étaler ses petites misères en public. Alors, les femmes souffrent en silence. En affichant crânement leurs alliances. Au moins un homme les a épousées, ce qui n’est déjà pas rien, la chanteuse Josey vous le confirmera !
Stéphanie Dongmo  

vendredi 22 janvier 2016

Chronique : Nathalie Koah ou l’occasion manquée

A l’occasion de la publication, en février prochain, du livre-témoignage de l’ex-compagne du footballeur Samuel Eto’o intitulé « Revenge porn », nous vous proposons cette chronique écrite en janvier 2015. Nous pensons que cette chronique a inspiré Nathalie Koah à se lancer dans la rédaction de son livre finalement interdit de diffusion, mais dont le Pdf circule sur le net. 

Annonce la parution du livre de Nathalie Nkoah.

Le monde entier, et moi en particulier, a suivi de près le feuilleton amoureux entre François Hollande et Valérie Trierweiler, impliquant nécessairement toutes les personnes qui gravitent autour du couple, dont Ségolène Royal et Julie Gayet. Eh oui, nous faisons tous preuve de voyeurisme, nous qui rions, et pas toujours sous cape, des déboires de ce quatuor amoureux, nous qui dévorons le livre-confession de la journaliste, où elle raconte sa liaison et sa rupture avec le président de la République française.

S’il est une chose que ce dernier rebondissement nous a appris, c’est que les femmes bafouées ont désormais un recours : l’écriture. Surtout si elles ont pour atout d’avoir eu une liaison avec un homme remplissant l’une de ces conditions : puissance, richesse, célébrité.

Nathalie Koah, jusqu’à il y a peu hôtesse de l’air du carré Vip de Camair Co, avait tous ces atouts dans sa manche. Elle avait partagé, sept années durant, le lit d’un homme célèbre, riche et puissant à la fois. Cerise sur le gâteau, cet homme était également talentueux et, comble de bonheur, controversé.


Tous les ingrédients pour une réplique à la Trierweiler étaient donc réunis : une liaison torride, une rupture chaotique, une femme clouée au pilori, à tort ou à raison. Mais surtout, des révélations croustillantes sur le caractère incendiaire et les tendances sexuelles de l’un des footballeurs les plus célèbres du monde. Beaucoup de secrets à dévoiler donc.

Moi Nathalie Koah, face à la plainte et aux accusations de mon ex-amant, j’aurais gardé mon calme et pris mon mal en patience. Je n’aurais pas brûlé mon histoire par les deux bouts en la bradant aux radios et autres médias.

Moi Nathalie Koah, j’aurais tout enduré le jour avec le sourire. Mais le soir, dans le secret de ma chambre, j’aurais pris ma plume pour écrire et me défouler de toutes les frustrations, les accusations et les humiliations.

Moi Nathalie Koah, j’aurais raconté ma part de vérité dans un livre écrit à la va-vite, avec ma douleur, ma colère et mon orgueil. J’aurai tout dévoilé : ma rencontre avec Samuel Eto’o Fils, les voyages somptueux qu’il m’offrait, nos disputes et la saveur de nos  réconciliations. J’aurais terminé par le moment où tout a basculé, quand j’ai décidé de le quitter.

Moi Nathalie Koah, j’aurais laissé libre cours à ma colère pour parler d’Eto’o, cet homme qui m’offrait le ciel et qui, aujourd’hui, veut m’enfoncer plus bas que terre. Au passage, j’aurais révélé des détails croustillant sur nos expérimentations sexuelles, écorché les femmes de sa vie, mes anciennes rivales, et salit ses hypocrites d’amis qui ne m’ont jamais aimé. En aucun cas je ne me serais laissé démonter par un mariage, probablement de dépit, avec une femme qui l’a attendu si longtemps.

Moi Nathalie Koah, je serai délibérément resté évasive sur les raisons de ma rupture. Je n’aurais pas donné satisfaction aux gens qui auraient attendu que je clarifie ma relation avec  Fally Ipupa. Je n’aurais pas non plus donné satisfaction à ceux qui y auraient attendu le nom d’un membre du gouvernement du Cameroun. Il faut bien garder quelques manches pour soi, au cas où j’aurais besoin d’écrie un Tome II.  

Nathalie Koah.
Moi Nathalie Koah, je n’aurais eu aucun mal à trouver un éditeur compétent qui sache entourer la publication de mon livre de confidentialité. Le bouquin, que j’aurais intitulé « Je te quitte, merci de me laisser tranquille », serait sorti le même jour au Cameroun et en Europe, mais surtout dans tous les pays où mon ex a été titulaire.

Moi Nathalie Koah, j’aurais publié mon livre dans la foulée du cuisant échec du Cameroun en Coupe du monde et du retrait du brassard de capitaine des Lions indomptables à mon ex, une aubaine commerciale. Le bouquin aurait nécessairement été un Best-Seller, si on prend en compte ses clients potentiels : les fans et les amis d’Eto’o, les ennemis et les détracteurs d’Eto’o –et dieu sait s’il en a-, les professionnels du milieu footballistique, du showbiz, les journalistes, etc.

Moi Nathalie Koah, j’aurais par la suite vendu les droits d’adaptation au cinéma de mon livre à un producteur, américain, jamais camerounais, encore moins français. En plus d’avoir eu mon nom étalé en première page des journaux les plus importants de la planète, j’aurais eu le plaisir de voir mon histoire portée à l’écran et mon nom immortalisé à jamais.

Moi Nathalie Koah, accusée et jetée en pâture par mon ex, j’aurais raflé plusieurs millions de Fcfa en dommages et intérêts pour assurer mes vieux jours – eh oui ! La beauté n’est pas éternelle.

Mais Nathalie Koah n’étant pas moi, elle n’a rien fait de tout ça quand il en était encore temps. Aujourd’hui, son histoire est dévaluée et ne peut plus faire l’objet d’un livre à succès, avec son goût de déjà entendu. Il est trop tard, impossible de rattraper le coup. 

Avis donc à toutes les femmes qui fréquentent les lits d’hommes riches, célèbres et/ou puissant. Mettez-vous dès maintenant à la prise de note pour votre futur Best-seller. Si nécessaire, enregistrez quelques conversations compromettantes et gardez le tout bien au chaud. N’ayez crainte, l’occasion de ressasser publiquement ces vieux souvenirs se présentera plus vite que vous ne le pensez, car l’homme est et restera un loup pour la femme.

Stéphanie Dongmo 

mercredi 20 janvier 2016

Hervé Madaya : « Le roman d’amour revient en force »

Ecrivain et directeur de « Madingwa » (Je t’aime), la collection de romans sentimentaux que lance la maison d’édition Afrédit en ce début d’année, il parle de ce concept d’amour à la sauce africaine. 
Hervé Madaya.
Africaine d’édition (Afrédit) annonce une nouvelle collection de romans sentimentaux dont vous êtes le directeur. Pouvez-vous nous présenter cette collection?
En effet, le projet a mûri en juin dernier. Après avoir lancé un appel à synopsis, nous avons pu réunir les auteurs dont les propositions allaient dans le sens de ce que nous recherchions. A savoir des histoires d’amour dans lesquelles se reconnaîtront les Africains, décrivant leurs réalités, dans un environnement qui leur soit familier. Madingwa est cette collection de romans qui bientôt sera livrée au jugement des lecteurs.

Combien de titres comptez-vous publier par an et à quelle fréquence ?
Un livre tous les deux mois sera la fréquence de départ. Ce qui correspond à six titres par an. Faudra-t-il accélérer ou ralentir cette cadence ? Nous en jugerons par l’accueil qui sera réservé aux Madingwas.

A quand la parution du premier roman de la collection ?
Nous souhaitons lancer la collection dans la période allant du 11 au 14 février ; ça tombe bien, elle est destinée à la jeunesse et aux amoureux, qu’ils soient jeunes ou non.


Qu'est-ce qui a motivé Afrédit à lancer Madingwa alors que sur le marché du sentimental, on compte déjà Adoras, Harlequin et Nous-Deux, entre autres ?
C’est le constat selon lequel aucune maison d’édition camerounaise ne possède de collection de romans à l’eau de rose. Et si vous regardez dans la sous-région d’Afrique centrale, vous verrez que là encore, il y a ce manque. Or, à voir le succès des collections que vous venez de citer dans nos marchés, il va sans dire que la littérature sentimentale a son public chez nous. Je suis tenté de croire que les lecteurs et lectrices s’y ruent en partie faute d’avoir ce qui s’inspire de leur culture.

Quelle sera la particularité de cette collection ?
Elle aura de petits romans hauts en couleurs, d’une centaine de pages, pouvant être lu d’une traite au cours d’un voyage Douala-Yaoundé par exemple, qui parleront de notre environnement comme les collections d’ailleurs ne sauraient pas le faire. Nous voulons faire de chacun de ces livres un ndolè aux crevettes, un sanga, un mbongo tchobi, un nkwi littéraire qui vous racontera une idylle entre une bayamsellam de Mvog-Atangana-Mballa et un moto taximan, une fille de Bonapriso et un gars de New Bell, une ministre et un sauveteur de Mokolo, un coiffeur de Mvog-Mbi et sa cliente, etc…

Réunion d'auteurs le 31/10/2015 à Afrédit.

Vous avez sélectionné une première vague d'auteurs qui devront alimenter cette collection. Qui sont-ils et comment s'est faite cette sélection ?
Les auteurs ont été sélectionnés sur la base de leurs synopsis. A la suite de l’appel à synopsis que nous avons lancé en juillet, nous avons reçu un nombre important de candidatures, près de 300. Il a donc fallu être très sélectifs ; nous voulions une dizaine de personnes. Les meilleures propositions nous ont conduits à former une équipe cosmopolite, dont l’âge varie entre 27 et 60 ans. Avec des Camerounais, des Français résidant au Cameroun et des Gabonais, hommes et femmes confondus. Non pas que la porte soit fermée à d’autres propositions. Simplement, la prudence voulait que nous ayons un comité de base, afin d’assurer le fonctionnement de Madingwa.

Le roman sentimental est un genre littéraire souvent méprisé. N'est-ce pas dévalorisant pour un écrivain de proposer ce genre de texte ?
Les participants à notre projet ne doivent pas penser ainsi, vu leur nombre pléthorique. Nous connaissons des auteurscélèbresqui ont bâti leur carrière sur la littérature sentimentale.Combien de jeunes filles à travers le monde rêvent du prince charmant en lisant Barbara Cartland ? Nos ainés n’ont-ils pas rêvé d’Alexandro Inchesou d’Anna Zoli en lisant les romansphotos de la Lancio ? Le nombre de candidatures que nous avons reçues prouve que le roman d’amour revient en force ! Certes, les livres de Madingwa auront pour thème central l’amour passion, mais celui-ci sera encré dans les réalités toutes africaines ; ils développeront forcément des sous-thèmes et chacun y trouvera son compte. L’âme d’une plume, c’est son style. Le genre littéraire n’en est que l’habillage.



Le roman d’amour est un genre populaire, qu'allez-vous faire pour qu'il ne devienne pas vulgaire ?
Nous nous assureront que les romans aient un style à la fois simple et soigné, sans vulgarités. De manière à garder une certaine hauteur, afin de bâtir un sérieux à la collection Madingwa. Par-dessus tout, nous veillerons à ce que les livres valorisent la culture africaine. Je tiens également à souligner qu’il n’est pas question pour nous de critiquer les collections occidentales que vous avez citées. Elles ont une démarche qui consiste essentiellement à vendre du rêve, et ça marche, c’est agréable pour ceux qui le temps d’une lecture, veulent échapper aux monde qui les entoure. Nous passons à autre chose ! Nous introduisons nos habitudes et les tracas de la vie réelle dans la littérature sentimentale, y adjoignant ainsi l’utile, pour en faire des livres importants et échapper à certaines étiquettes que nous avons souvent entendues : littérature de gare, littérature de supermarché, sous-littérature, etc…

Le roman sentimental a la réputation d'être signé par des noms de femmes, quand bien même c'est écrit par des hommes. Est-ce que ce sera différent pour Madingwa ?
Certains grands noms de la littérature classique ont pourtant excellé dans l’expression des sentiments amoureux. Beaumarchais, Stendhal, Flaubert, Voltaire, Victor Hugo et j’en passe. Ce serait dommage si de nos jours les hommes n’assumaient pas leur côté fleur-bleue. Cela dit, les écrivains sont libres de publier sous pseudonymes. Nous ne sommes pas une entrave à cette liberté. Nous souhaiterions simplement que nos romans portent les patronymes de leurs auteurs. Il est important que le public sache que les livres de la collection Madingwa sont écrits aussi bien par les hommes que par les femmes… Cela pourrait être l’une de ses particularités, justement.
Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

NB: après la parution d'un premier roman, "Mon numéro 9 national" d'Olive Aboula, la collection s'est arrêtée sans aucune explication de l'éditeur Afrédit ni aux auteurs dont les contrats étaient déjà signés, ni au public. Dans la foulée, Hervé Madaya a démissionné d'Afrédit avant de s'installer en France. 

dimanche 10 janvier 2016

Bernard Zeutibeu : « 63% de touristes insatisfaits après leur séjour à l’Ouest »

Le directeur de l’Office régional du tourisme de l’Ouest Cameroun parle de la participation de l’Ortoc au salon Solidarissimo en France du 6 au 8 novembre 2015 pour  promouvoir la destination Cameroun et le tourisme solidaire. Il revient aussi sur la mauvaise santé du tourisme dans cette partie du pays et précise les mesures qui sont prises pour le booster.
 
Bernard Zeutibeu au salon Solidarissimo.
L’Ortoc était au salon Solidarissimi en France, en novembre 2015. De quoi s’est-il agit concrètement?   
Le Salon Solidarissimo est un salon dédié au tourisme et à l’économie solidaire. C’est une sorte de salon dans un salon, puisqu’il est organisé en même temps et sur le même site du Salon International du Tourisme et des Voyages (SITV). Il est organisé tous les ans, au mois de novembre au parc de l’exposition de Colmar, en Alsace. L’édition 2015 était la 6ème édition.
Quels étaient les objectifs de la participation de l’Ortoc ?
En participant à cette édition de Solidarissimo, la région de l’Ouest avait un double objectif.  Nous y allions principalement pour démarcher les voyagistes intéressés par l’Afrique, dans la perspective du référencement de la destination Ouest Cameroun dans leur catalogue. Car la notoriété d’une destination se mesure à son niveau de référencement par les prescripteurs de voyages. Notre participation visait aussi à présenter le projet TOSTEM à différents publics, et à analyser leur perception du projet de tourisme sur les traces de l’esclavage.
Quels résultats avez-vous obtenus en termes de visiteurs, de partenariats noués, etc. ?
Le salon solidarissimo est avant tout un salon professionnel. Nous avons réussi à intéresser cinq tours opérateurs à découvrir les chefferies de l’Ouest Cameroun. L’un d’entre eux a déjà effectué un premier voyage de découverte. Nous envisageons d’organiser, en partenariat avec les agences de tourisme camerounaises, un éductour pour les quatre autres voyagistes.
C’est quoi un éductour ?
Un éductour est un voyage éducatif aussi bien pour le territoire qui accueille que pour les voyagistes qui découvrent. L’éductour que nous envisageons organiser en partenariat avec les agences de tourisme camerounais est un voyage de découverte au cours duquel les voyagistes découvriront les attraits du Cameroun. Nous présenterons le Cameroun en général. Mais, comme les voyagistes ont accordé un intérêt particulier aux chefferies de l’Ouest et à l’offre de Limbé, nous visiterons les attraits de ces deux territoires. Ce sera aussi l’occasion de prendre en compte les avis des étrangers sur nos points forts, mais aussi sur nos points faibles. Après l’éductour, nous resterons en contact avec les voyagistes. Car, l’objectif ultime recherché est le référencement de notre destination dans leurs catalogues. 
L’Ortoc mène un projet de tourisme sur la mémoire de l’esclavage. Quels sont ses articulations ?
TOSTEM (Tourisme autour des sites de la traite, de l’esclavage et de leurs mémoires) est un projet qui se déploie dans cinq pays. Dans le cadre de ce projet, un ensemble d’activités seront réalisées à Nantes, au Cameroun, au Sénégal, en Haïti et à Antigua & Barbuda. En plus de l’exposition internationale qui est une activité commune aux cinq pays, il est prévu au Cameroun l’aménagement d’une dizaine de sites marqués par l’esclavage, sur le trajet partant des chefferies de l’Ouest vers la côte atlantique.
Ce projet est mis en œuvre dans le cadre d’un financement de l’Union européenne, par l’Association les Anneaux de la mémoire dont le Président est Yvon Chotard. Il est coordonné au niveau international par Patricia Beauchamp basé à Nantes. Anita Fotso, directrice des opérations du Programme Routes des Chefferies assure la Coordination de ce projet au Cameroun. L’Ortoc est dont associé à ce projet pour en assurer la promotion touristique.
Quels sont les sites mis en valeur par ce projet ?
La phase d’aménagement des sites identifiés comme ayant été marqué par le phénomène de l’esclavage débutera au cours de cette année 2016. Des esquisses d’aménagement ont déjà été réalisées. La liste des sites à aménager se présente ainsi qu’il suit :
-          Les berges du Wouri à Douala (région du Littoral)
-          Le port d’embarquement des esclaves à Bimbia (région du Littoral)
-          Le marché caché de Laapou à Bangou et marché d’esclaves officiel à proximité (région de l’Ouest)
-          Le marché d’esclaves à Kamna (région de l’Ouest)
-          Le marché d’esclaves à la chefferie Bamendjinda (région de l’Ouest)
-          Le marché d’esclaves à Foumban (région de l’Ouest)
-          Le musée de la chefferie Bafut (région du Nord-Ouest)
-          Les tranchées et murs de pierre à la chefferie Bawock (région du Nord-Ouest)
Comment se porte le tourisme à l’Ouest ?
Le sultanat bamoun.
Le tourisme ne se porte pas très bien dans la région de l’Ouest. L’Ortoc et les professionnels du tourisme de l’Ouest se sont engagés dans la démarche qualité. Les questionnaires mis en place dans les hôtels de l’Ouest, dans le cadre de cette démarche, ont montré qu’au cours de l’année 2015, sur un total de 211 questionnaires analysés, il y a eu 63% de touristes insatisfaits après le séjour dans la région de l’Ouest. Nos sites de visite ont enregistrés une moyenne de 30.000 visiteurs en 2014. Devant de tels résultats, l’Ortoc et ses partenaires ont entrepris deux activités majeures : l’édition du premier catalogue tourisme et l’élaboration du Schéma directeur du tourisme de l’Ouest. Le catalogue tourisme est un document à vocation promotionnelle qui présente l’offre touristique de la destination Ouest.
Le premier catalogue tourisme que nous avons élaboré, en partenariat avec le Programme Route des chefferies, a été édité en 1.500 exemplaires. Il présente la région de l’Ouest sous trois thématiques majeures : culture et chefferies, nature et paysages, artisanat et terroir. Il est considéré comme la carte de visite de l’Ouest. L’Ortoc et ses partenaires ont aussi élaboré le Schéma directeur du tourisme de l’Ouest. Il s’agit là d’un schéma de cohérence territoriale qui couvre la période 2015-2025. Dans le cadre de ce travail, un plan d’action prioritaire est à définir. La mise en œuvre de ce plan d’action prioritaire devrait, à terme, permettre de créer des services susceptibles de donner l’occasion aux visiteurs de la CAN (Coupe d’Afrique des Nations, ndlr) de bonnes occasions de dépenser leur argent chez nous.
Quelles stratégies mettez-vous en place pour développer le tourisme intérieur ?
Nous organisons régulièrement des excursions de groupe à destination du grand public. A l’occasion des évènements culturels et des activités ponctuelles, nous élaborons des programmes de visites autour du lieu géographique concerné. Mais, la grande activité concerne la jeunesse. Avec le Programme route des chefferies, un programme de médiation est mis en place et permet aux jeunes scolaires de connaître leur patrimoine, de se l’approprier et de développer la culture de la découverte. Une commission médiation a d’ailleurs été mise en place, présidée par le chef Supérieur Bangoulap.
Quels sont les défis pour l’avenir ?
La région de l’Ouest comme le Cameroun tout entier peut devenir une véritable destination touristique. C’est-à-dire un territoire qui accueille un nombre important de touristes, avec comme effets induits la création des richesses et des nouveaux emplois. Cela est possible sous trois conditions : nous devons le vouloir tous ensemble (professionnels du tourisme ou simple habitant de l’Ouest). Nous devons ensuite créer des services variés pour donner aux visiteurs des occasions de dépenser leur argent. Nous devons ensuite nous engager dans la démarche qualité, pour que les touristes qui viennent chez nous aujourd’hui aient envie de revenir demain.

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo 

dimanche 3 janvier 2016

La Chronique du mois: Psst, ma chérie, viens ici !

A partir de janvier 2016, je vous propose, une fois par mois, une chronique sur un fait de société au Cameroun ou ailleurs. Coup de gueule qui se veut humoristique pour décrire les travers d'une société en mal de repères.

Un homme regardant une femme.



C’est un phénomène qui s’est insidieusement installé dans les rues des villes du Cameroun, au point où beaucoup ne se formalisent plus de cette goujaterie sans nom. Vous êtes une femme, vous passez tranquillement votre chemin et vous entendez un inconnu vous héler négligemment, familièrement, grossièrement, irrespectueusement: « psst, ma chérie, viens ici ». 

Cette race-là, on la trouve dans les marchés, Mokolo à Yaoundé et Nkoulounoun à Douala en tête. Ceux qui la constituent sont souvent tapis dans les rayons de friperies ou installés, marchandises à même le trottoir, en bordure de route. Des « ma chérie », ils en distribuent à la pelle. Pour eux, toutes les femmes s’appellent ainsi, qu’ils les convoitent ou non.

Ils accostent les femmes au passage, draguent pour se divertir ou pour tuer l’ennui. Ils profitent des embouteillages des marchés pour donner une tape sur les fesses encore fermes d’une jeune fille ou pour toucher un sein au passage. Si la malheureuse s’en offusque, il fait rappliquer ses acolytes et tous l’insultent copieusement. Si la femme insiste, ils iront jusqu’à la brutaliser, dans l’indifférence totale.

Cette race-là, on la trouve aussi dans les quartiers, assis en bande autour de la vendeuse de beignets, de la call-boxeuse ou du boutiquier du coin. Ils sont là dès la tombée de la nuit, tous les jours que le bon Dieu fait. Tapis dans l’ombre, profitant de la noirceur de la nuit et de la présence de la bande, ils vont à la chasse. Ils sifflent les femmes, jeunes et moins jeunes, comme on lance des grains de maïs aux poules, en espérant qu’au moins une voudra bien en picorer. 

Pendant quelques heures, le temps que la vendeuse de beignets termine sa soirée, remballe ses affaires et rentre chez elle, ils peuvent poser les yeux sur les femmes, fixer leurs derrières en toute impunité. Pendant quelques heures, ils peuvent oublier l’extrême sècheresse de leurs cœurs, le vide immense de leurs vies, la vacuité de leurs sentiments, l’inutilité de leurs existences. 

Ils peuvent oublier leurs masturbations solidaires et leurs réveils plein de frustration. Ils peuvent délaisser le poids de leur passé, le flou de leur présent et l’horizon bouché de leur futur. Ils peuvent s’imaginer étalon, tombeur de femmes, chaud lapin. Ils peuvent même rêver qu’un jour, une femme, une vraie femme, les aimera et les comblera. Ils peuvent surtout avoir l’impression que leur vie est autre chose que le long chapelet de jours vaincus égrenés, les uns à la suite des autres. 

Après ces quelques heures durant lesquels ils ont permis à leur imagination de s’évader au-delà de la banalité quotidienne, ils rentreront en traînant les pieds dans une maison où personne ne les attend.
A ces individus-là, les mères n’ont pas appris qu’il était mal élevé de siffler les femmes dans la rue, de donner des tapes sur les fesses des jeunes filles. Elles étaient trop occupées à trouver de qui bourrer le ventre au moins une fois par jour, très souvent en l’absence du père, ignorant qu’une personne pouvait avoir besoin d’autre chose que d’être rassasié. Le résultat, ce sont des hommes installés à la lisière de la vie, qui n’ont d’autres perspectives de vie que des « psst, ma chérie». 

Les violences faites aux femmes ne se limitent pas à l’excision, à la bastonnade ou à l’inégalité des chances. Elles sont partout, dans les marchés, au coin des rues. Elles sont joliment enrobées dans des « ma chérie » collés à toutes les femmes. On l’a tellement banalisé qu’on n’en prend plus conscience. Ce sont les hommes qui font violence aux femmes, mais ce sont les femmes qui éduquent les hommes. Le mal doit être saisi à la racine. 
Stéphanie Dongmo